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Raqqa : la contamination est d'une ampleur inédite

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Réduction de la violence armée | PUBLIÉ LE 28 novembre 2022
Les équipes HI retirent une bombe des décombres à Raqqa.

Les équipes HI retirent une bombe des décombres à Raqqa. | HI

HI mène des opérations de déminage et de dépollution à Raqqa, au nord de la Syrie, et dans ses environs depuis 2018. 25 experts en déminage de HI sont à pied d'œuvre.

La contamination à Raqqa dépasse tout ce qui a été observé depuis la Seconde Guerre mondiale. Les habitants de la ville sont sous la menace des restes explosifs. Cet article est basé sur les témoignages de Craig Crosby et Melvin Smith qui gèrent les opérations de déminage de HI à Raqqa.

Raqqa

Raqqa était un bastion du mouvement État islamique jusqu'en 2017, date à laquelle la ville fut libérée par les forces occidentales dans le cadre de l'opération "Inherent Resolve". Les habitants ont fui les combats intenses qui ont duré 5 mois et sont rapidement revenus dans la ville après. L'ampleur de la dévastation nous choque encore. C'est comme si la ville avait été frappée par cinq tremblements de terre d'affilée.

5 ans plus tard, la contamination laissée par les combats au sol, les frappes aériennes massives de la coalition dirigée par les États-Unis et les pièges improvisées est toujours là. De nombreux engins non explosés, manufacturés ou non, demeurent dans les décombres des bâtiments effondrés ou endommagés. Entre-temps, les habitants sont revenus car ils veulent travailler leurs terres, dégager les routes et rouvrir les marchés, les hôpitaux et les écoles. La contamination continue de mettre en danger les Syriens et de compromettre la réponse humanitaire.

La ville la plus contaminée au monde

Raqqa est l'une des villes les plus polluées que nous ayons jamais vues. La contamination est très diverse et complexe, affectant toutes les activités humaines au quotidien. Des bâtiments, comme des cliniques, des banques, des bureaux de services publics, etc. ont été piégés afin de terroriser la population et d'empêcher tout retour à la normale. Des roquettes ou des bombes non explosées se trouvent dans les décombres des bâtiments après d'intenses bombardements aériens. Autour de la ville, les champs agricoles ont été transformés en champs de mines défensifs par le mouvement de l'État islamique pour empêcher la progression de tout groupe armé... Le niveau de contamination est incroyable. Il y en a partout. Il faut faire attention dans chaque bâtiment, dans chaque mètre carré de terrain. HI démine depuis 2018.

Nos équipes sont hautement qualifiées et capables de faire face à toutes ces différentes situations. Les autorités locales nous chargent d'intervenir dans de nombreux domaines. Mais nous sommes aussi appelés directement par les gens, via une ligne directe, pour ramasser des restes explosifs qu'ils ont trouvés dans leur maison ou dans leur jardin... Nous recevons tellement d'appels chaque jour que nous devons prioriser les munitions que nous allons sécuriser en premier.

C'est une course contre la montre pour déblayer les terrains en vue de rendre la ville et les champs environnants à ses habitants. L'enlèvement des décombres, qui est le préalable à toute reconstruction, ne peut se faire sans opérations de déminage. La contamination compromet la reconstruction de la ville.

La contamination par la guerre moderne

La contamination est si compliquée qu'il faudra des décennies pour nettoyer Raqqa. C'est pour nous comme un laboratoire où l'on peut trouver toute la gamme des contaminations dans les zones urbaines et rurales provenant d'un conflit moderne, marqué par l'utilisation intense d'armes explosives.

Nous voulons contribuer à la reconstruction de la ville et nous regrettons qu'après un pic de financement en 2017 et 2018, les opérations de dépollution soient un peu oubliées par les bailleurs institutionnels aujourd'hui. C'est vraiment une préoccupation pour nous.

Types d'armes à déminer

Les combattants du mouvement État islamique ont déployé des engins explosifs improvisés dans toute la ville pour assurer un maximum de terreur et de destruction. On trouve des mines branchées sur des interrupteurs, cachées dans des matelas et dans des corans. Cela empêche la reprise des activités quotidiennes.

Nous trouvons toute une gamme de munitions explosives, principalement larguées du ciel par les forces de la coalition internationale dans le cadre de l'opération "Inherent Resolve". Nous devons également faire face aux mines antipersonnel.

Avec un total de plus de 2 500 incidents liés à l'utilisation d'armes explosives enregistrés entre 2013 et 2019 et un taux d'échec des frappes aériennes et de l'artillerie estimé entre 10 et 30 %, on suppose que quelque 250 à 750 armes non explosées doivent donc se trouver dans la ville. [1]

Pollution chimique

Les infrastructures clés comme les barrages ou les cours d'eau sont également contaminés par des restes d'explosifs et libèrent une contamination chimique et toxique. L'eau du robinet n'est plus potable dans certaines zones et des cas de choléra nous ont été signalés récemment...

La population compte vraiment sur nous pour la libérer de cette menace. Les progrès sont lents, et de nombreux civils, peu désireux d'attendre de l'aide, prennent parfois sur eux d'enlever les restes d'explosifs de leurs maisons, au péril de leur vie.

Nous venons d'ouvrir des opérations de déminage à Der-er-Zor, une autre grande ville située à deux heures de route de Raqqa. L'année prochaine, nous voulons également lancer une équipe de dépollution féminine.

Chiffres de l'élimination des engins explosifs par HI à Raqqa

En 2022, les équipes HI ont sécurisé 1 000 articles vivants et plus de 2 600 articles inertes [2], et ont nettoyé un total de 220 000 mètres carrés jusqu'à présent.

 

[1] https://coar-global.org/2022/02/27/demining-in-ar-raqqa/

[2] Les articles inertes ressemblent à des munitions explosives sans contenu explosif. Par exemple, les bombes de mortier qui ne contiennent pas de contenu explosif.

 


 

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