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Les personnes handicapées face au changement climatique

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Prévention | PUBLIÉ LE 28 novembre 2023
Nahy, 66 ans, s'occupe seule de ses enfants et petits-enfants, soit 16 personnes au total. Elle vit avec un handicap physique et ne peut pas travailler. En raison de la sécheresse persistante, les cultures ne poussent pas.

Nahy, 66 ans, s'occupe seule de ses enfants et petits-enfants, soit 16 personnes au total. Elle vit avec un handicap physique et ne peut pas travailler. En raison de la sécheresse persistante, les cultures ne poussent pas. | © Parany.photo / HI

Cyclones, inondations, sécheresses… Le changement climatique amplifie les discriminations et affecte particulièrement le quotidien des personnes handicapées.

Le 3 décembre prochain, la Marche pour le Climat a lieu le même jour que la Journée internationale des personnes handicapées. L’occasion d’expliquer en quoi le changement climatique accroît leurs défis quotidiens.

Les personnes handicapées ont 4 fois plus de risques de mourir en cas de catastrophe

Le changement climatique augmente la fréquence et l'intensité des événements météorologiques et climatiques extrêmes. Que ce soient des catastrophes soudaines et violentes comme les cyclones, les inondations, ou des changements plus progressifs comme les hausses de températures et les sécheresses, le changement climatique a un impact beaucoup plus important sur le quotidien des personnes handicapées. Elles sont jusqu’à quatre fois plus susceptibles de mourir en cas de catastrophes. Il y a donc urgence à agir pour réduire leur vulnérabilité face à celles-ci.

Lors d’un cyclone ou d’une inondation les personnes handicapées sont encore trop souvent laissées pour compte, en particulier dans des communautés où le handicap est encore fortement stigmatisé. Selon le Bureau des Nations Unies pour les réductions des risques de catastrophes (UNDRR), 1 personne en situation de handicap sur 4 est capable de suivre des mesures d’évacuation sans problème en cas de catastrophe et seuls 11 % déclarent connaitre l'existence d'un plan de gestion des catastrophes dans leur communauté.

Les personnes handicapées n’ont pas d’information suffisante sur les risques encourus lors d’une catastrophe et la manière de réagir pour se protéger.

« Qu’il s’agisse d’informations générales pour éduquer sur les risques ou d’alertes, l’enjeu est de les développer de façon accessible pour que le plus grand nombre puisse en bénéficier, en variant les canaux et les modalités de diffusion et en tenant compte d’une multitude de situations - personne à mobilité réduite, malentendante, aveugle, ou même handicaps psychosociaux », explique Jennifer M’Vouama, experte de la Réduction des risques de catastrophes chez HI.

Nombreuses sont celles qui n’évacuent pas leur habitat faute d’accès aux messages d’alerte en temps opportun, ou à cause de l’inaccessibilité des procédures d’évacuation dans leur ensemble. Elles peuvent donc être laissées sur place alors que la population est forcée d’évacuer.

Plus de dangers lors des déplacements forcés

Lorsque les personnes handicapées parviennent à évacuer, elles sont également confrontées à des risques particuliers en matière de protection. Elles sont davantage exposées aux violences, à l’exploitation et aux abus dans les abris d’urgence, ou plus largement dans les situations de déplacement forcé. Les jeunes femmes handicapées, par exemple, sont particulièrement à risque de violences basées sur le genre.

Dans les situations de déplacement forcé, les personnes handicapées se heurtent également à de nombreux obstacles pour accéder à l’aide humanitaire. Sur ce point, les données du Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophes sont encore une fois sans appel : 75 % des personnes handicapées ont le sentiment d'être exclues de la réponse humanitaire.

Elles sont souvent invisibilisées, font l’objet d’une forte stigmatisation, et rencontrent par conséquent des difficultés accrues pour satisfaire leurs besoins de base, notamment en matière de soins de santé et de moyens de subsistance.

Si certaines personnes n’ont plus accès à leurs lunettes de vue ou leur fauteuil roulant, ce qui rend encore plus compliquée leur mise à l’abri, d’autres peuvent aussi être privées de leurs médicaments essentiels ce qui représente un danger accru pour leur vie. Enfin, HI constate également des difficultés pour accéder à tous les besoins de base, y compris l’eau et la nourriture.

Le bien-être, la santé et les moyens de subsistance en péril

D’autres effets de la crise climatique, comme les vagues de chaleur par exemple, exacerbent eux aussi des inégalités déjà existantes en matière de santé.  L’Organisation Mondiale de la Santé, dans un rapport publié en 2022, alerte sur les obstacles importants que rencontrent les personnes handicapées en matière d’accès aux soins. Selon les experts scientifiques, les personnes handicapées dans le monde sont 3 fois plus susceptibles de se voir refuser l’accès aux soins de santé que les personnes qui n’ont pas de handicaps. En conséquence, les personnes handicapées ont en moyenne 10 à 20 ans d’espérance de vie en moins que les personnes valides.

« L'injustice climatique reflète les inégalités en matière de santé. Cela signifie que les groupes marginalisés, en fonction de leur âge, de leur sexe ou de leur handicap, font l'objet d'une double discrimination et subissent de manière disproportionnée l'impact du climat sur la santé et le bien-être », note Davide Ziveri, expert en santé environnementale chez HI.

Le changement climatique a également un impact sur les moyens de subsistance. Les pertes économiques générées par un aléa climatique sont similaires pour toutes les communautés. Mais les personnes handicapées, généralement plus fragiles économiquement, ont encore plus de difficultés à protéger leurs moyens d’existence ou à se remettre des pertes subies.

« Les personnes handicapées tendent à être exclues socialement et à subir des discriminations générant des inégalités socioéconomiques. Cela se traduit souvent par des taux de pauvreté plus élevés, des niveaux d'éducation inférieurs, et un accès plus difficile aux services en général. Elles auront plus de mal à rebondir en cas de choc climatique », poursuit Jennifer M’Vouama.

Anticiper les impacts et préparer les communautés face aux risques

HI estime qu'il est indispensable d'agir pour protéger les personnes handicapées du changement climatique, en donnant les moyens aux communautés d'anticiper et de se préparer aux risques. C’est pour cela que l’association a mis en place une vingtaine de projets de réduction des risques de catastrophes dans des pays comme Madagascar, les Philippines, le Mali et le Népal, durement frappés par les aléas climatiques.

L’autre enjeu est de faire entendre la voix les personnes handicapées dans nos actions pour faire face au changement climatique :

« Il est essentiel pour HI de travailler main dans la main avec les organisations représentatives des groupes à risque notamment les organisations de personnes handicapées pour qu’elles puissent contribuer de manière significative au débat public et aux processus décisionnels sur le changement climatique, et ce à tous les niveaux », conclut Jennifer M’Vouama.

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