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En Ouganda, les personnes handicapées grandes oubliées de l’aide humanitaire

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Droits | Ouganda | PUBLIÉ LE 10 juillet 2025
Trois personnes, deux femmes et un homme, sont assises en cercle sur des chaises en plastique.

Nina* lors de son entretien pour l'enquête de HI. | © HI / 2025

Des milliers de personnes réfugiées en situation de handicap ont été exclues de l’aide alimentaire. Une crise silencieuse s’aggrave chaque jour.

En Ouganda, plus de 1,9 million de personnes ont trouvé refuge, fuyant les conflits au Soudan du Sud, en République démocratique du Congo (RDC) ou encore au Soudan. Mais depuis mai 2025, une réduction massive de l’aide alimentaire du Programme Alimentaire Mondial (PAM) bouleverse leur quotidien.

Une étude menée par HI auprès de 1 280 réfugiés vivant avec un handicap dans huit camps à travers le pays révèle l’ampleur du drame : 42 % des ménages avec enfants en situation de handicap et 35 % des adultes handicapés ont été exclus de toute aide alimentaire.

Des milliers de personnes sans ressources

Cette exclusion résulte d’un nouveau système de catégorisation mis en place pour faire face à la baisse drastique de financements. Selon ce système, les réfugiés sont désormais classés par "priorité", et les moins prioritaires — regroupés dans la catégorie 3, qui représente 63 % des réfugiés — ne reçoivent plus aucun soutien alimentaire.

Dans les camps qui n’accueillent plus de nouveaux réfugiés, la situation est encore plus alarmante : plus de la moitié (54 %) des ménages avec enfants handicapés et 52 % des adultes handicapés y sont totalement laissés pour compte.

Des vies bouleversées du jour au lendemain

À Nakivale, Jeanne*, 55 ans, a fui la RDC avec son mari et leurs enfants. Blessée par balles, victime de violences sexuelles, elle se déplace désormais avec difficulté et suit des séances de rééducation. Leurs maigres revenus, issus d’un petit panneau solaire utilisé pour recharger les téléphones du voisinage, ne leur permettent plus que de manger une fois par jour — parfois moins. Les enfants ont quitté l’école, notamment pour travailler aux champs.

À Kyangwali, Paul*, 45 ans, paralysé, vit avec sa femme et leurs trois enfants. Depuis la fin de l’aide alimentaire, il ne peut plus réparer son tricycle, essentiel à sa mobilité. Sa femme ne peut plus chercher de travail, étant devenue sa seule aidante. La famille ne survit que grâce à l’aide de voisins ou en quémandant sur les marchés.

Comme eux, 31 % des réfugiés en catégorie 3 déclarent ne pas avoir de solution pour faire face à la situation. Les autres tentent de survivre grâce à des moyens précaires : 30 % se tournent vers l’agriculture, 20 % réalisent de petits travaux occasionnels, et 11 % ont recours à des stratégies dites “négatives”, comme la mendicité ou la vente de leurs biens essentiels, certains envisagent même de retourner dans des zones dangereuses.

Une crise silencieuse mais massive

Derrière ces pourcentages, ce sont des milliers de personnes fragilisées, déjà marquées par des traumatismes, qui voient leur quotidien basculer dans l’extrême pauvreté. Près de 9 réfugiés sur 10 vivants avec un handicap et exclus de l’aide expriment le souhait de faire appel, mais la plupart ne pourront pas bénéficier d’aide tant que de nouveaux financements ne seront pas alloués.

Tandis que de nouveaux arrivants continuent d’affluer — plus de 118 000 entre janvier et juillet 2025 —, seulement 12 % des financements nécessaires pour l’année ont été assurés à ce jour. Dans l’attente, ce sont des vies entières qui se figent dans l’angoisse et la faim.

* Les prénoms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des personnes.

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