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« Je ne vois pas des victimes, je vois des survivants »

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Santé | Urgence | Ukraine | PUBLIÉ LE 23 août 2023
Irina travaille comme cheffe de projet santé pour HI à Dnipro, dans l'Est de l’Ukraine. Elle est assise derrière son ordindateur dans son bureau

Irina travaille comme cheffe de projet santé pour HI à Dnipro, dans l'Est de l’Ukraine. | © O. Marikutsa / HI

Irina Yashchuk est responsable du projet de santé de HI dans l'Est de l'Ukraine. Chaque jour, elle et son équipe s'efforcent de soutenir les personnes directement affectées par la guerre.

Je m’appelle Irina Yashchuk et je viens de la ville de Donetsk, dans l’Est de l'Ukraine, la capitale de l'une des régions les plus dynamiques du pays avant le début des hostilités durant l'été 2014. En mai 2015, j'ai rejoint l'équipe d'une des organisations humanitaires internationales travaillant à Donetsk à l'époque (Donetsk était déjà une zone non contrôlée par le gouvernement Ukrainien). J'ai travaillé sur des projets de soutien psychosocial à la population et de protection communautaire. Deux ans plus tard, l'organisation a été contrainte de mettre fin à ses projets. Après en avoir discuté avec ma famille, j'ai décidé de quitter la ville en 2017. Pendant cinq ans, j’ai travaillé avec des organisations humanitaires internationales dans différentes villes, à Mariupol puis à Slavyansk. Et en février 2022…tout a basculé.

Partir ou rester ?

Nous étions tous confrontés à un choix : partir ou rester. J'ai pris la décision difficile de rester. D'abord parce que, comme beaucoup de personnes déplacées, je ne voulais pas m'éloigner de chez moi pour pouvoir y retourner quand les conditions le permettraient. Ensuite, parce que j'ai des connaissances et une expérience qui peuvent aider à soutenir la population touchée par le conflit armé. Beaucoup de gens sont partis et au bout d'un moment, il n'y avait tout simplement plus personne avec qui travailler. C'est pourquoi j'ai décidé de rester et d'apporter mon aide ici en Ukraine.

Depuis mai 2022, je travaille pour HI en tant que chef de projet santé pour l'Est de l'Ukraine. Je suis basée dans la ville de Dnipro. Il y a beaucoup de travail car le projet couvre deux régions - Dnipro et Poltava. Chaque région dispose d'une équipe de santé composée de kinésithérapeutes, de psychologues et d'agents de soutien psychosocial. Du matin au soir, je suis occupée par des réunions, des visites sur le terrain, des supervisions et des rapports.

Un niveau élevé d'anxiété

Ce que je constate, que ce soit lors de nos rencontres dans les communautés ou avec les autorités, les personnes déplacées ou les aidants, c'est l'énorme besoin de soutien psychosocial. Tout le pays est touché par la guerre et son impact sur les habitants est vraiment énorme. Les personnes doivent faire face à des choses qu'elles n'ont jamais eu à affronter auparavant. Nous constatons un niveau élevé d'anxiété, en particulier en ce qui concerne l'avenir, et un manque de mécanismes pour nous aider à faire face au sentiment d'incertitude, car personne ne sait quand cette situation prendra fin. Cela est particulièrement vrai pour les groupes vulnérables de la population - les personnes handicapées, les personnes âgées et les enfants. Pourtant, depuis le début du conflit, je ne vois pas de victimes, mais des survivants. HI les aide à s'adapter, à trouver un moyen d'aller de l'avant.

Je me souviens, par exemple, d'une famille de Mariupol qui avait tout perdu : ses proches, sa maison. Après avoir déménagé dans la région de Dnipro et vécu dans un centre pour personnes déplacées, ils ont trouvé la force de s'adapter à une nouvelle communauté, de trouver du travail et de soutenir d'autres personnes déplacées. Je me souviens également d'une assistante sociale qui s'occupait de deux familles de personnes déplacées, des personnes âgées vivant seules. Elle m'a dit : « Je fais cela parce que nous devons rester humains ! Nous devons toujours rester humains ! »

Ce qui me manque le plus aujourd'hui ? Mes proches…

Ma mère, ma sœur et ses enfants vivent toujours à Donetsk. Je ne les ai pas vus depuis un an et demi. Nous ne communiquons que par WhatsApp ou Skype. Je ne peux pas vous dire à quel point j'ai envie de les serrer dans mes bras. Notre jardin près de la maison me manque. Les soirées d'été où nous nous réunissions dans ce jardin et parlions pendant des heures me manquent.

Ma ville natale me manque. Je me souviens de ses larges rues bordées d'acacias et de tilleuls en fleurs. Lorsque le soleil se couche, leur parfum embaume toute la ville.

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