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En arrivant au centre de réadaptation communautaire, Souleyman Lawani discute avec Prunelle Togni, chargée de volet réadaptation de HI au Bénin. | © A. Stachurski / HI
Après son accident, Souleyman a perdu sa jambe et son emploi. Avec le soutien de l’État et de HI, il a obtenu des soins et une prothèse, grâce à laquelle il se projette à nouveau.
Centre National Hospitalier Universitaire de Cotonou, mardi 10 décembre 2024 ; milieu de matinée, le soleil inonde la cour, pas un souffle de vent. Souleyman Lawani, un homme d’une soixantaine d’années, attend dans une petite salle que rafraîchit un ventilateur accroché au plafond. Il a rendez-vous pour faire contrôler sa prothèse. Pour lui qui a subi une amputation après un accident de la route, pouvoir de nouveau aller et venir à sa guise est un véritable soulagement ; c’est le résultat de son courage et de rencontres déterminantes qui ont changé le cours de sa vie.
Souleyman est rescapé d’un accident de la route survenu en juin 2017 ; alors qu’il revient du sport, une voiture le percute violemment. Le choc lui fait perdre connaissance. Le chauffard prend la fuite et comme personne d’autre n’a vu l’accident, beaucoup de temps s’écoule avant que les secours n’arrivent. Souleyman est hospitalisé au CNHU de Cotonou où les médecins tentent de suturer sa jambe gauche, mais les blessures sont trop profondes et ils sont contraints de l’amputer.
Les accidents de la route sont la troisième cause des besoins en réadaptation au Bénin et peuvent faire basculer une vie. Avant son accident, Souleyman travaillait en tant que peintre de carrosseries de voitures, il était marié et avait une famille. Mais après son accident, sa femme le quitte et il perd son emploi ; avec une seule jambe, il est contraint dans ses mouvements et dépend de l’aide des autres pour tous les gestes du quotidien.
Pour retrouver plus d’autonomie, Souleyman a besoin d’une prothèse, mais ses moyens financiers ne le lui permettent pas. Une prothèse coûte près de 700 €, sans compter le genou artificiel qui évite de devoir la déclipser pour s’asseoir. Une somme considérable, alors que le salaire minimum par mois au Bénin se situe aux alentours de 80 €. Mais Souleyman ne se décourage pas et cherche des solutions ; il écrit même au ministère de la Santé pour demander de l’aide.
Quelque temps plus tard, Souleyman entend parler du Guichet Unique de Protection Sociale (GUPS), une structure décentrée du ministère des Affaires Sociales et de la Microfinance qui abrite un espace contact de réadaptation à base communautaire. Il décide de s’y rendre et y rencontre Sabine Agbo, la responsable technique de l’espace contact qui l’accompagne depuis lors. Ensemble, ils constituent un dossier ; c’est ainsi que Souleyman prend contact avec HI, partenaire du GUPS.
Pour permettre à Souleyman de regagner en mobilité et en autonomie, HI prend en charge ses frais de déplacement, ses médicaments ainsi que la fabrication de sa prothèse. L’organisation lui finance également une vingtaine de séances de kiné d’1h30, trois fois par semaine. Souleyman les suit consciencieusement et reprend tous les exercices à la maison pour continuer à assouplir ses muscles. Ses progrès sont spectaculaires. Lui qui se déplaçait difficilement remarche désormais sans difficultés et peut se rendre partout où il le souhaite.
« Avant d’avoir ma prothèse, je ne pouvais pas marcher, je sautillais. Aujourd’hui, tout est beaucoup plus facile au quotidien. Je marche bien et je n’ai plus de douleurs. Je suis content d’être à nouveau plus autonome, de pouvoir me rendre seul au marché par exemple, » explique Souleyman Lawani.
Depuis qu’il a reçu sa prothèse, Souleyman revient régulièrement au CNHU pour assurer un suivi. C’est ainsi que ce mardi de décembre, alors qu’il rentre dans la salle d’exercice, l’orthoprothésiste et les équipes de HI constatent qu’il est un peu en déséquilibre : son bassin penche légèrement du côté droit quand il marche. Ils font quelques ajustements et rajoutent une semelle intérieure dans sa chaussure gauche, puis lui donnent rendez-vous la semaine suivante pour régler plus durablement la hauteur de sa prothèse. Les équipes de HI décident aussi de renouveler ses séances de kiné – Souleyman s’y remettra dès les prochains jours.
Depuis qu’il a perdu son emploi, Souleyman est dans une situation difficile car il n’a plus de revenus pour faire face à ses dépenses quotidiennes. Pour lui, retrouver une indépendance financière est crucial. Pour l’aider, HI et le GUPS sollicitent différents partenaires qui accompagnent la réinsertion professionnelle des personnes handicapées ; ainsi, avec l’aide de Sabine Agbo, Souleyman définit son projet.
« À mon âge, il y a des activités très physiques que je ne peux plus faire alors j’aimerais opérer une reconversion professionnelle pour lancer un petit commerce. Mon projet, c’est d’ouvrir un comptoir pour commercialiser de la glace. Je réfléchis aussi à diversifier mon activité en achetant un moulin à condiments pour proposer des épices. »
Grâce à une aide du ministère des Affaires Sociales, Souleyman a déjà reçu un petit frigo pour vendre des glaçons pendant les fêtes. C’est la première étape vers cette indépendance à laquelle il aspire et qu’il prépare activement.
La vie n’a pas été tendre avec lui, et il est passé par des moments difficiles ; mais toutes celles et ceux qui l’accompagnent vous le diront, Souleyman est un homme déterminé et courageux qui se bat et mettra tout en œuvre pour rebondir.
« Ça a été dur pour lui. Mais depuis qu’il a reçu un appui, il se sent mieux et reprend espoir. Un accident de la voie publique, ça change vraiment une vie, » résume Prunelle Togni, kinésithérapeute et chargée de volet réadaptation pour HI.
Le Bénin compte environ 300 professionnels de la réadaptation, c’est-à-dire moins d’un pour 100 000 habitants, et 80 % d’entre eux exercent dans le sud du pays et dans les grandes villes. En outre, des barrières géographiques et financières limitent l’accès des usagers à ces services essentiels ; c’est pourquoi HI mène un projet pour les développer.
Le projet réadaptation de HI, lancé en 2022 et qui se prolonge jusqu’en 2026, permettra d’accompagner environ 300 personnes comme Souleyman Lawani. Les activités de HI se divisent en deux volets : premièrement, des actions de sensibilisation à la sécurité routière, en partenariat avec des clubs et des associations de sécurité routière. Deuxièmement, un appui aux services de réadaptation pour les victimes de la route, afin de briser la chaîne de production de handicaps moteurs et de faciliter l’autonomie fonctionnelles des personnes accidentées. Ce projet est mené en étroite collaboration avec les ministères de la Santé et des Affaires Sociales, des associations de professionnels de la réadaptation et des centres de santé. Des formations sont également organisées pour les professionnels de santé afin d’améliorer l’interdisciplinarité des soins et de sensibiliser aux bienfaits de la réadaptation dans les suites d’un accident de la route.
HI est une organisation de solidarité internationale indépendante et impartiale, qui intervient dans les situations de pauvreté et d’exclusion, de conflits et de catastrophes. Œuvrant aux côtés des personnes handicapées et des populations vulnérables, elle agit et témoigne, pour répondre à leurs besoins essentiels, pour améliorer leurs conditions de vie et promouvoir le respect de leur dignité et de leurs droits fondamentaux.
Là où sévissent les conflits, les catastrophes naturelles, la pauvreté et l’exclusion, nous travaillons aux côtés des personnes handicapées et des populations vulnérables pour améliorer leurs conditions de vie.