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« Nous étions agriculteurs et désormais nos champs sont minés ! Qui se soucie de nous ? »

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Réduction de la violence armée | Urgence | Ukraine | PUBLIÉ LE 10 janvier 2024
Nazar, 11 ans, a participé à une séance d'éducation aux risques liés aux restes explosifs de guerre.

Nazar, 11 ans, a participé à une séance d'éducation aux risques liés aux restes explosifs de guerre. | © M. Monier / HI

HI mène des sessions de sensibilisation aux risques liés aux engins explosifs dans des villages ukrainiens que la guerre a coupé du monde, comme celui de Velyka Komyshuvakha dans la région de Kharkiv.

Velyka Komyshuvakha est un village d’agriculteurs situé à plus de trois heures de route de Kharkiv, dans l’Est de l’Ukraine. Il a été occupé par les troupes Russes d’avril à septembre 2022. Depuis, seuls 95 des 521 villageois sont revenus sur leurs terres pour tenter d’y reconstruire leurs maisons, recommencer à vivre. Mais Velyka Komyshuvakha a été détruit à 90 %, et l’ensemble des champs alentours sont contaminés par des mines et des restes explosifs de guerre.

À l’entrée du village, l’unique café dans lequel se retrouvaient ses habitants est en ruines. Le local a été utilisé comme base par les soldats Russes. Un groupe de femmes munies de pelles et de sacs poubelles tentent de désencombrer le lieu entièrement recouvert de graffitis. Parmi elles il y a Inna, 53 ans. Cette ancienne agricultrice, donne un coup de main à la mairie pour tenter de reconstruire son village, sa propre maison a été détruite dans les bombardements.

« Nous avions tout : des vaches, des cochons, des volailles, tout. Aujourd'hui, nous n'avons plus rien. Les squelettes de mes vaches sont encore à proximité. Aujourd'hui, je travaille principalement pour le conseil du village et j'aide à déblayer les décombres tous les jours. L'école et le centre du village ont été complètement bombardés, tous les entrepôts de semences se sont effondrés. Ma propre maison a été détruite, nous sommes en train de la réparer et de construire de nouveaux murs. »

Le danger des restes explosifs de guerre

Mais le plus important problème que souhaite souligner Inna, ce sont les mines ! Selon elle, l’ensemble des champs qui entourent son village et les localités voisines sont minés.

« Mon filleul allait cultiver ses légumes quand l’une d’elles a explosé juste à coté de lui. Heureusement il est vivant, mais son coude ne se plie plus et son dos est lacéré par les éclats d’obus. »

Selon les données recueillies et vérifiées par le secrétariat de l'autorité nationale ukrainienne de lutte contre les mines, il y a plus de 860  victimes d’engins explosifs, dont 269 ont été tuées depuis février 2022. La plupart des accidents signalés sont causés par des mines terrestres.

C’est pour ces raisons que les équipes de HI mènent des actions de sensibilisation auprès des communautés de ces villages que le conflit a littéralement coupés du monde.

HI les aide à identifier les différents types d’engins explosifs de guerre, en expliquant pourquoi ils sont dangereux et quels types de blessures ils peuvent engendrer. Les agents d’éducation aux risques détaillent ensuite les bons gestes, la bonne attitude à adopter pour être en sécurité, dans le cas où ils se retrouveraient face à un engin explosif.

Pour Viktoria Vdovichuk, une ancienne démineuse qui est la chef d'équipe des activités de sensibilisation de HI dans la région de Kharkiv,  ces actions de sensibilisation menées par HI dans la région de Kharkiv, il est essentiel d’atteindre les communautés de ces villages isolés par le conflit :

« Les dégâts sont énormes, la zone est très contaminée et extrêmement dangereuse. Tous les engins explosifs utilisés dans cette guerre sont présents : mines, fils-pièges, mines antipersonnel, mines antivéhicules, sans oublier les bombes à fragmentation et les obus d'artillerie de tous calibres. Mais les villageois sont revenus et vivent aujourd'hui ici. Certains n'ont jamais quitté la région. Cela signifie que chaque jour, ils marchent à proximité de zones contaminées. Et chaque jour, ils mettent leur vie en danger parce qu'ils ne savent pas quoi faire lorsqu'ils rencontrent ces restes explosifs de la guerre. Ils ne savent pas qu'il ne faut jamais les toucher, et encore moins marcher dessus ! C'est évidemment très dangereux ! »

Le plus jeune participant s’appelle Nazar, il a 11 ans. Ce garçon ukrainien, dont l’école a été bombardée une dizaine de fois depuis deux ans, dit avoir déjà fait face à des restes explosifs dans son village ; il en aurait même vu exploser sous ses yeux. À la fois naïf et apeuré, il montre les débris d’engins explosifs qui jonchent les quelques ruelles du village, cachés dans les herbes, ou rapidement signalés par un ruban blanc (signe d’avertissement non officiel) :

« Ce que je retiens le plus, c'est le fait que si je vois quelque chose de suspect dans la rue, je dois m'en éloigner et appeler les services d'urgence. »

Des frontières internes dessinées par les restes explosifs

En Ukraine, les cicatrices laissées par l’utilisation massive des armes explosives sont semblables à de profondes tranchées. Elles coupent du monde des pans entier du territoire ukrainien en rendant très difficiles l’accès aux moyens de subsistance mais aussi aux besoins de base. Comme la plupart des habitants de ce territoire rural, Inna doit faire au moins 25 kilomètres pour faire ses courses, ou pour se faire soigner.  

« Il n'y a plus rien ici. Nous n'avons ni café, ni magasin. Avec un peu de chance, tous les mercredis, un médecin va pouvoir venir chez nous. Qui se soucie de nous ? Au moins, ici, on peut être reconnaissants d’avoir reçu des matériaux de construction pour la reconstruction, afin que nous puissions reconstruire nos maisons. Mais pour tous les gens qui voudront revenir chez eux un jour ailleurs en Ukraine, ils n’auront plus de chez eux et nulle part où rentrer », conclut Inna.

Depuis 2022, les sessions de sensibilisation aux risques liés aux mines (EORE) et aux bombardements (CPP) ont touché environ 89 000 personnes in Ukraine. HI a organisé plus de 3500 sessions (en ligne et en personne) et a formé près de 2770 acteurs humanitaires et 337 points focaux communautaires.

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