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Moctar Ba

 

Qu’a apporté la Convention aux personnes handicapées ?

C’est une question intéressante parce qu’avant même l’existence de la Convention, il existait déjà une prise de conscience chez les personnes handicapées. Mais quand nous avons signé la Convention et que nous avons commencé à vulgariser ce document, il y a eu un éveil, et cela a suscité un déclic chez les personnes handicapées qui ont été conscientes, à partir de ce moment-là, de leur force. D’abord, cela leur a donné confiance en elles, et elles ont de plus en plus observé ce que l’État faisait en matière de droits des personnes handicapées. Bref, cet éveil de conscience nous a aidés à avancer dans l’inclusion des personnes handicapées.

Depuis l’adoption de la Convention, quelles sont les actions entreprises avec la participation des personnes dont vous êtes particulièrement fiers ?

Tout d’abord, on avait pensé que pour mieux vulgariser la Convention, il fallait la traduire dans les grandes langues en République du Mali. Ceci a été l’objet d’un atelier et nous avons eu des d’importantes recommandations à ce sujet qui nous ont permis de traduire la Convention en langue bambara, en langue tamatchèque et en langue peule. Cela nous a permis de faire une très large vulgarisation au niveau des personnes handicapées et au niveau des collectivités parce que la communauté qui entoure les personnes handicapées est plus ou moins consciente de tout cela, faute d’informations. Quand on a commencé à diffuser à la télé et à la radio en langue locale, les gens se sont dit que ce document pouvait être très bénéfique pour tout le monde, et notamment pour les personnes handicapée. Et c’est ce qui s’est passé.

Il y a eu également des actions de sensibilisation menées par les personnes handicapées qui ont dit : «Voilà, notre pays est le champion en matière de signature et de ratification». Pour une fois, on aimerait sortir de ce carcan-là. Vous devrez vraiment faire des choses concrètes par rapport à la Convention. C’est pour ça que nous sommes allés voir le président de l’Assemblée qui a tout de suite cherché à impliquer le gouvernement dans les discussions. 7 ministres ont été nécessaires pour pouvoir mener une action de sensibilisation au niveau du gouvernement. Et nous avons institué un réseau parlementaire de défense des droits des personnes handicapées. Actuellement, nous cherchons à mettre en place un point focal grâce à la Convention, au niveau de la primature, pour réaliser une coordination au niveau du gouvernement. Nous n’y sommes pas encore parvenus.

Mais ce qui est fondamental, c’est que nous avons fait un plan stratégique sur 10 ans, conformément à la Convention, qui rendra transversale cette politique d’inclusion. La question du handicap ne sera plus sous la tutelle unique du ministère du Développement social. Tous les gouvernements incluront de façon transversale la composante du handicap dans leurs budgets sectoriels. Cela devrait nous permettre de juguler pas mal de problèmes tels que l’éducation ou l’emploi. Ce sont donc nos chevaux de bataille. Or, qui dit éducation, dit emploi. Donc, l’emploi est la finalité de l’inclusion des personnes handicapées. C’est pourquoi nous tenons particulièrement à ces critères.

Je vais en profiter pour dire que grâce à la Convention, les personnes handicapées ont également compris qu’elles avaient une voix sur pas mal de sujets. Elles ont pris conscience qu’on ne peut pas parler à leur place, qu’il faut rejeter les logiques d’assistanat. L’article 29 de la Convention stipule qu’il faut vraiment une participation politique des personnes handicapées pour qu’elles puissent participer aux décisions qui sont prises. Donc, les personnes handicapées sont engouffrés dans la brèche. Maintenant, des militants de différents partis politiques vont parler au nom des personnes handicapées qui seront au centre des prises de décision.

Pouvez-vous citer un exemple d’implication dans le processus de mise en œuvre de la Convention dans votre pays ?

Nous avons participé, par exemple, à l’élaboration du plan stratégique 2015-2022 que le gouvernement va bientôt lancer, et nous avons tenu à ce que le contenu soit conforme à la Convention. Pour que celle-ci ne devienne pas une convention de plus. Nous avons tenu également à ce que la fonction publique de notre pays adopte la Convention en tant que telle et à travailler elle pour juguler les problèmes d’emploi en République du Mali. En ce qui concerne l’éducation, nous sommes en train de travailler pour rendre le système plus inclusif.

Parlons des principaux défis à surmonter au cours des 10 prochaines années.

Ah, vraiment ! D’abord, nous voulons mutualiser les grandes politiques inclusives de la sous-région, c’est un grand défi. Ensemble, on peut avoir une force de frappe commune. Et nous voulons prendre en compte le défi de l’éducation, surtout en ce qui concerne les personnes handicapées, parce que nos États, par manque de connaissance ou de moyens, veulent se cantonner à la politique d’ouverture des centres. Or, ces centres sont animés par des associations. Nous voulons dépasser la phase spéciale d’intégration et aller vers une politique inclusive qui permettra la scolarisation de nombreuses personnes handicapées, voire l’intégralité d’entre elles, car c’est ce que la Convention stipule. Cela va obliger l’État à s’engager dans un processus allant vers l’inclusion des personnes handicapées, au sein d’un système éducatif inclusif. Notre autre grand défi, c’est l’emploi. L’emploi est la finalité de tout. Il nous octroie non seulement une dignité personnelle, mais nous permet aussi de juguler des problèmes socio-économiques qui va afin de vivre dignement dans notre société inclusive.

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